vendredi, décembre 14, 2007

Le flux de conscience de Juliette Meliah (Polaroïd & sténopé)


« Flou de conscience
Je regarde les ombres
Dessiner mon visage
J'attends de sortir du flux »
Juliette Meliah, Paris, 13 déc. 2007

Photo Yannick Vigouroux, « Flux de conscience de Juliette Meliah »

(sténopé numérique / digital pinhole)

Afin d'obtenir un flux de conscience encore plus flou... j'ai photographié le Polaroïd 600 que j'ai pris hier soir de Juliette avec mon sténopé.

Les Baigneurs de Philippe Calandre


Photo Phlilippe Calandre, « Baigneur, 2005 »

Ces baigneurs photographiés puis retouchés avec de la peinture, semblent enfermés, tels des bijoux précieux et fragiles, dans des galets de verre, à moins qu'ils ne soient peints sur des galets de pierre... Selon le photographe, l'idée de cette « gangue » transparente lui serait venue des gouttes de transpiration ou de mer qui perlent de la peau au sortir de l'eau.

Jadis, les marins immobilisés tuaient le temps en mettant de minuscules navires en bouteilles... De même, renouant sans doute inconsciemment avec cette tradition, Philippe Calandre a photographié durant l'été 2002, les paquebots du port du Havre et les tours d'observation, avant de les recouvrir de peinture, en les inscrivant dans un ovale qui évoque la convexité d'une bouteille. Sa nouvelle série s'inscrit dans la même logique.

Les estivants sont donc retouchés après prises de vue numériques, comme au temps des primitifs de la photo. Retouchés mais surtout flouttés autant pour préserver leur anonymat que par intention artistique...

Le regard est implacable mais jamais méprisant : ventres bedonnants d'hommes d'âge mur au bronzage teint d'écrevisse ; nichons tombants de femmes trop maigres, anorexiques, rivées sur la courbe de leur scoliose ou au contraire engoncées dans leurs bourrelets de cellulite... De Lisette Model à Martin Parr, le regard sur les estivants est souvent cruel et montre sans ambages les difformités et le vieillissement du corps. Pourquoi une telle fascination ambivalente, ce mélange d'empathie et de vague dégoût ? La plage, comme tant d'autres lieux de loisir – une fois l'an seulement pour la majorité d'entre nous – est le lieu d'un étrange et radical retournement des conventions sociales. Dans cet espace bien connu de drague et d'exhibition de soi, les individus dévêtus semblent souvent avoir abandonné toute forme de pudeur alors que celle-ci prévaut dans leur vie socioprofessionnelle...

Au lieu d'être les consommateurs d'objets bon marché achetés dans les boutiques de souvenirs des stations balnéaires, de la souvent grossière mais émouvante production locale aux produits stéréotypés désormais produits en Chine (il suffit parfois seulement de changer l'autocollant de la station !), les estivants dénudés deviennent l'objet-même du souvenir. Auraient-ils été pris au piège dans la sécrétion aqueuse de leur propre corps ?...

Le baigneur est ironiquement enfermé bien sûr dans les conventions d'une pratique mixte qui renoue avec celle des primitifs de la photographie. Mais aussi, comme le narrateur imaginé par Julio Cortázar passant de l'autre côté de la vitre à force de contempler dans un aquarium les batraciens axolotls, survivants archaïque de la Préhistoire (Cf. la nouvelle éponyme publiée en 1959), l'homme est passé de l'autre côté des apparences : à force peut-être de contempler les pores de son propre corps et ceux des autres à longueur de journée ? de s'être s'être abandonné, entre de jeux de plage, de pause et de pose, à cet aussi langoureux que nécessaire ennui (que l'on n'ose s'avouer) ?... Désormais, il est encapsulé dans son image.

Yannick Vigouroux, Paris, août 2005, revu et corrigé par l'auteur le 27 novembre 2007 (article publié initalement dans exporevue.com en 2005, supprimé de la revue la même année à ma demande car ayant démissionné de celle-ci quelques mois plus tard, pour rejoindre mon ami et ancien professeur à l'ENP, Christian Gattinoni, au sein de www.lacritique.org)

Les fantômes numériques



Photos Yannick Vigouroux,
« Galets photographiques # 15 et # 19 », 2007
(sténopés numériques / digital pinholes)

En rephotographiant avec mon sténopé mes « Mascarades », j'ai volontairement, en rapprochant celles-ci d'une ampoule, introduit des reflets parasitent qui ressemblent à des spectres : l'image va t-elle être dévorée par ces derniers ou commence t-elle à s'enflammer (par un étrange phénomène d'autocombustion iconique ?...) ?

Les galets photographiques



Anonyme, [portrait de petite fille], tirage à l'albumine ?
collé sous un galet en verre fabriqué à Paris, c. 1880 /
Photo Yannick Vigouroux, Galet photographique #2, 2007
(sténopé numérique / digital pinhole)

A propos de ma nouvelle série intitulée « galets » photographiques – j'ai rephotographié avec mon sténopé Sony quelques unes de mes photos de jambes bottées –, Xavier vient de m'écrire sur Flickr :


view profile

maruteru Pro User says:

« hmm ce galet (?) ainsi que le sténopé se marient
très bien avec l'idée de voyeurisme...
Posted 10 hours ago. ( permalink | delete )

view profile

yannick vigouroux Pro User says:

oui, en effet car le cercle évoquent celui
des jumelles, ou du téléobjectif. »

L'achat de deux galets en verre contenant des portraits – dont ce magnifique portrait de petite fille qui tient elle-même un objet en verre (une boule de cristal ?) - réalisés vraisemblablement à la fin du XIXe siècle m'a donné l'idée de ce travail, et l'idée de son titre... La lecture récente de d'un roman autobiographique en est aussi à l'origine : « Aussi charnue que soit la pelure qui brille sous la pelure, l'oignon n'en sait rien. Rien que des vides entre des bribes de texte mutilé. A moins que je n'interprète ce qui s'esquive, illisible, et que je ne me construise quelque chose...[...] Le souvenir se fonde sur des souvenirs qui à leur tour sont en quête de souvenirs. C'est ainsi qu'il ressemble à l'oignon, dont chaque chapelure qui tombe met au jour des choses depuis bien longtemps oubliées, jusqu'aux dents de lait de la première enfance ; mais ensuite le tranchant du couteau lui donne une autre destination : haché peau à peau, il fait venir des larmes qui troublent le regard. » (Günter Grass, Pelures d'oignon, 2006). L'écrivain allemand recourt aussi à la métaphore du morceau d'ambre, dans lequel seraient encapsulés les souvenirs.

jeudi, décembre 13, 2007

Through my Fish-Eye # 397 [Sue du groupe Pravda]

Photo Yannick Vigouroux, « Through my Fish-Eye # 397
[Sue du groupe Pravda] », Paris, 5 déc. 2007
(sténopé numérique/digital pinhole)

Une capture d'écran réalisée avec mon sténopé numérique : le visage forcément flou de Sue, du groupe Pravda, semblait s'animer d'une étrange lumière intérieure, d'une sensualité froide et bleutée.

http://pravdaplanet.net/

Window # 511 (« Crache la mort et mâche ton corps »)

Photo Yannick Vigouroux,
«Through my Fish-Eye # 399 [Window # 511 ] »,
Paris, 11 déc. 2007
(sténopé numérique/digital pinhole)

Crache la mort,
mâche ton corps,
... et tais-toi !
(un peu d'écriture automatique)

Une fenêtre qui se découpe comme un couperet ; je me sentais oppressé ce soir-là, comme souvent ces derniers jours, la sensation d'un poids énorme dans la poitrine. Pourquoi photographier des fenêtres est-il si rassurant, même quand elles m'évoquent le tranchant d'une lame ?

vendredi, décembre 07, 2007

"Distorsions", citations et "papiers froissés"...


Photos Yannick Vigouroux, « Distorsion # 13, papier froissé » [La Lettre ],
août 2007 et « Distorsion # 11, [La Lettre], août 2007 »

(Mavica Sony)

Chiara Mastroiani jouant la Princesse de Clèves dans La Lettre, un film de Manoel de Oliveira (1999) que j'aime beaucoup... J'aime beaucoup la série des "Papiers froissés" de Yves Trémorin (des portraits photographiques) ; Duncan Willie développe dans ses peintures une approche assez similaire de l'espace urbain. En songeant à leurs travaux, sur lesquels j'ai écrit d'ailleurs à plusieurs reprises - j'ai d'ailleurs eu la chance de rencontrer ces deux artistes - je me suis amusé, un soir, à froisser l'une de mes « Distorsions » (ce titre est un emprunt à la célèbre série de André Kertész : il en résulte une sorte de boulette de papier mâché, que cinéphile DVDéphage, j'aurais bien envie de mastiquer !...


Kylie Minogue (sténopé numérique / digital pinhole)


Photo Yannick Vigouroux, "Through my Fish-Eye # 392
[Kylie Minogue]", 7 déc. 2007
(sténopé numérique / digital pinhole)

Cette capture d'écran du spectacle de Kylie Minogue, « Body language (2004)», a été réalisée avec mon sténopé numérique. J'ai pris le parti du flou là où l'on recherche habituellement le maximum de netteté... J'ai tenté de transformer la belle Australienne chaussée de grandes bottes en cuir, allongée sur une moto (un hommage explicite à Brigitte Bardot qui prit ainsi la pose sur une Harley-Davidson) en minuscule, délicate et fragile figurine de porcelaine, encapsulée dans un galet de verre. Une manière de rendre un double hommage...

Green shoe [le pied de Marion] », Paris, 7 juillet 2079, (Sténopé numérique / Digital Pihole)
















Photos Yannick Vigouroux, « Marion »
et « Green shoe [le pied de Marion] »,
Paris, 7 juillet 2079
(Sténopé numérique / Digital Pihole)


Une chaussure rose à talon aiguille qui émerge des pixels brouillés. Enregistrée par le capteur de mon sténopé numérique, et durablement imprimée dans ma rétine, elle semble acquérir une vie autonome du reste du corps... Dégrader le signal renforce souvent, paradoxalement, l'impact du sujet photographié, plus « présent ». Remerciements à Marion ; je suis content que cette image te plaise !

mercredi, décembre 05, 2007

La photographie de métro au Mavica Sony

Photo Yannick Vigouroux,
"Paris, 2déc. 2007, de la série "Underground"
(Mavica Sony)

J'ai continué ce week-end avec mon Mavica Sony la série « Underground » commencé en 2000 avec un Lomo LC-A. Le boîtier est tellement gros qu'il ressemble à un camescope ! J'aime décidément de plus en plus le ronronnement électronique des disquettes sur lesquelles j'enregistre les images.

vendredi, novembre 30, 2007

"I pinhole object ! [26 nov. -30 nov. 2079] "







Photos Yannick Vigouroux, "I pinhole object ! [26 nov. -30 nov. 2079] "

(sténopés numériques / digital pinholes)


L'idée de cette série d'autoportraits, dérivée (avec une perception très ironique de cela), d'une pratique courante sur Flickr, est très prosaïquement née de l'envie d'objectiser, d'instrumentaliser mon visage. Pour commencer, le 26 novembre 2079, à l'aide d'un rouleau de papier hygiénique transformé en longue-vue cheap...


Je photographie avant tout parce que cela m'amuse. Il m'importe peu d'ailleurs que cela amuse les autres. Ce qui compte, c'est très égoïstement que cela m'amuse moi, afin peut-être de compenser mon faible ego ?

jeudi, novembre 22, 2007

Les "Flux de conscience" (1993)


Photo Yannick Vigouroux, "Flux de conscience # 1, 1993"

J'avais demandé aux modèles de rédiger ce qu'ils ressentaient quelques secondes après la prise de vue, en voyant apparaître, "monter" leur visage sur le Polaroïd 600. Le titre de la série s'inspire des recherches littéraires de Virginia Woolf et de James Joyce.

"Cet ensemble reste tellement actuel, un de mes préféré pour l'idée de portrait / autoportrait. Je suis très heureux de les revoir. Merci
Posted 9 days ago.

view profile

yannick vigouroux Pro User says:

Merci Xavier. Je me suis souvent demandé dans les années 1990 si cela n'était pas trop "années 1980", mais, comme toi, avec le recul, je trouve cela, en 2007, finalement très actuel. Vive le Pola 600... et le pola SX-70 aussi bien sûr !"



[extrait de la discussion que je viens d'avoir sur Flickr avec mon ami Xavier Martel]

mardi, novembre 06, 2007

Nouveau blog : FOTO POVERA

Photo Yannick Vigouroux (sténopé numérique / Digital pinhole)

Un nouveau blog consacré uniquement au collectif FOTO POVERA sur : http://fotopovera.blogspot.com/

mercredi, juin 27, 2007

L'échelle de Jacob (2)

Photo Yannick Vigouroux.
"Window # 79, Paris, 6 avril 2079"
Sténopé numérique / Digital Pinhole

« L'échelle, symbole d'ascension spirituelle et de valorisation, lieu de passage assimilé à un pont, relie symboliquement le ciel et la terre. Les anges montaient et descendaient l'échelle de Jacob. »
Eloïse Mozzani, « Le Livre des superstitions », 1995, p. 622.

Avec le christianisme, et l'apparition du « Paradis perdu », la symbolique va s'inverser négativement : « Le monde nouveau crée par Dieu est suspendu comme une sphère refermée sur elle-même au-dessus du monde des ténèbres [...] Dans les ultimes bas-fonds se trouve l'enfer, clos d'un lourd portail soigneusement fermé. Une large voie à travers le chaos mène de là dans le monde nouveau, telle une nouvelle échelle de Jacob négative. »
Homer B. Sprague, « La Cosmographie de Milton », 1889.

« L'Echelle de Jacob » : c'est le titre du superbe film de Adrian Lyne sorti en 1990, où Jacob Singer (Tim Robbins) doit affronter les différentes strates, les douloureuses mais salvatrices étapes ascensionnelles de son évolution spirituelle. Elles sont les conditions de son passage de la vie à la mort. L'escalier intérieur d'un immeuble doit être perçu dans ce film comme une variante de l'échelle. Marches après marches, souffrances après souffrances, réminiscences après réminiscences, Jacob finira par accepter, et mériter, le deuil de son fils décédé, comme de lui-même...

mardi, juin 26, 2007

L'échelle de Jacob

Photo Yannick Vigouroux.
"L'escalier du Passage de la Durance,
Paris 12e, 28 avril 2079"
Sténopé numérique / Digital Pinhole



Depuis mars, je poursuis inlassablement mes expérimentations avec mon sténopé numérique.

Lorsque je télécharge les images sur Flickr, l'appareil déréglé, détraqué, affiche une date fantaisiste qui me projette plus de soixante-dix ans en avant, date que j'ai décidé de conserver pour légender mes images (même le jour et le mois sont erronés)... C'est de la pure Science-Fiction !

Cet escalier violemment éclairé photographié ce week-end m'a fait penser à un passage lumineux entre le réel et l'imaginaire, la vie et la mort, à l'"Echelle de Jacob" si importante dans le judaïsme. Ce qui m'a donné l'idée de créer un nouveau portfolio et un nouveau groupe sur Flickr, du même nom.


mardi, avril 24, 2007

Pourquoi la série " KaleiDoscopiK " ? (photographier pour s'amuser...)

Photo Yannick Yigouroux.
Phare de Ouistreham, Normandie, 6 avril 2007

« [...] chacun est plutôt un kaléidoscope, aux formes et aux couleurs changeantes selon la personne qui la regarde et selon l'angle, quand bien même il conserve inchangés les éléments qui, ensemble, composent les dessins dont la vue divertit autrui ; ou bien un écran sur lequel nous projetons nos propre illusions [...] mais ce que nous voulons voir, car la matérialité n'est qu'une surface réfléchissante. »
(Lucía Etxebarria, Un miracle en équilibre, 2004.)

J'ai lu ces lignes quelques jours après m'être amusé avec un jouet en plastique et mon appareil numérique amateur. Sur l'objectif de ce dernier, j'avais placé un petit kaléidoscope en plastique, acheté il y a quelques années au rayon jeunesse d'une boutique se voulant, pour paraphraser Anne-Marie, « ludique et didactique ». Avant de l'offrir, deux jour plus tard à Alexis (5 ans).

Nombreux sont ceux qui croient percevoir seulement des images, de manière passive, alors que, les photographes le savent bien, nous élaborons aussi ces images – ironiquement déconstruites dans « KaleidosKop » – , ce que les enfants font de façon beaucoup plus spontanées que les adultes. Il est urgent je crois de prendre le temps de s'amuser. Et, entre autres, de s'amuser en photographiant...

Un sténopé post-impressionniste ? ("L'arbre en fleurs")

Photo Yannick Vigouroux.
"L'arbre en fleurs. Vers le Fort de St-Cyr, 23 avril 2007."
(Sténopé numérique / Digital Pinhole)


C'est le printemps et il fait très beau à Paris. Ebloui par la lumière, les arbres fruitiers en fleurs m'ont donné envie, en sortant du bureau hier soir, de rendre hommage aux Impressionnistes...

lundi, avril 23, 2007

"Selon une même et seule pulsation" (B. Plossu par Ch.-A. Boyer)


Charles-Arthur Boyer écrit dans l'un des derniers livres de Plossu:

« Et jamais comme chez Bernard Plossu la vie et la photographie n'auront été ainsi portées par le même rythme comme un seul et même battement ; autrement dit : éprouver le monde en partageant sa respiration, et le traduire en photographies – quelle empathie ! – selon une même et seule pulsation, la vie et la lumière donnant du souffle et de la nervosité à l'image et inversement. »

Extrait de Plossu / So Long, Vivre l'Ouest américain - 1970 / 1985, Frac Haute-Normandie / Yellow Now – Côté photo, 2007, p. 15.

Enfin un texte critique de qualité... Ce n'est pas si fréquent ! Tous les critiques devraient selon moi recourir à un style fluide et accessible au plus grand nombre, débarrassé des apparats douteux d'un hermétisme élitiste. Ici, dans un mimétisme respectueux voire admiratif, le texte vibre avec les images, « selon une même et seule pulsation » justement...

jeudi, avril 19, 2007

"Window # 16, avril 2007" (sténopé numérique)

Photo Yannick Vigouroux.
"Window # 16, avril 2007"
(sténopé numérique / Digital Pinhole)

Depuis quelques jours, je photographie chaque soir les fenêtres de mon appartement après la journée de travail (le plus souvent vers 18 h), avec le sténopé numérique que m'a prêté par Bruno.

Ma nouvelle « machine à poésie » (c'est ainsi que Nancy Rexroth désigne son Diana) enregistre les délicates circonvolutions de la rambarde en fer forgé ; de sombres lignes verticales ou horizontales structurent l'image - un peu à la manière de certaines toiles abstraites solidement charpentées (Cf. les toiles de Pierre Soulage ou de Hans Hartung). Je me suis dit hier, en cadrant au jugé, si fébrilement concentré et incertain du résultat, que les images obtenues ressemblaient aussi parfois à des encres de Chine, à des lavis.

La fenêtre est un motif inépuisable qui me fascine, comme elle a fasciné tant de peintres et de photographes avant moi...

mardi, avril 17, 2007

"Window # 10, avril 2007" (sténopé numérique)


Photo Yannick Vigouroux.
"Window # 10, avril 2007"
(sténopé numérique / Digital Pinhole)

Je poursuis depuis plusieurs semaines mes expérimentations avec un sténopé numérique. Les images que je produit me semblent plus que jamais fragiles, précaires... Comme si, à la limite de la lisibilité, en cours d'effacement autant que de formation, elles étaient incapables de se stabiliser.

jeudi, avril 12, 2007

Le cow-boy et les enfants masqués : pourquoi collectionner une mémoire anonyme ? (15)

Anonyme, [le garçon déguisé en cow-boy], France, c. 1950.
D'après un négatif 6x6 cm numérisé.
(coll. Bruno Debon)


La photo ressemble à un inédit de Diane Arbus ou de Ralph Eugène Meatyard. On y retrouve la même prédilection pour les masques.

Il s'agit en réalité d'une photo d'amateur, désormais anonyme...

Cette image est extraite de bandes de négatifs noir et blanc 120, chinée il y a quelques années par Bruno dans une brocante du sud de la France.

L'image date probablement des années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale (entre 1945 et 1955 ?), comme le suggèrent, dans une autre vue, les structures de béton qui font vraissemblablement partie du Mur de l'Atlantique.

A l'occasion d'un carnaval, le gamin déguisé en cow-boy pose face à l'objectif, flanqué de son frère et de sa soeur, de voisins ou de camarades de classe. Il tente de s'incarner en héros de western, et l'on a envie d'y croire avec lui.

Comme Bruno, j'aurais aimé prendre cette photo... mais n'en suis-je pas d'une certaine manière l'auteur, certes secondaire, à l'instar de mon ami, en me réappropriant une telle image ? Devenue a priori «sans qualité », elle est d'une telle qualité artistique que, j'aime l'imaginer, Arbus et Meatyard auraient peut-être aimé eux aussi en être les auteurs ?...

mercredi, avril 11, 2007

Self-Eye


Photo Yannick Vigouroux. "Self-Eye, Paris, 4 déc 2005"


Mes yeux sont bleus : l'on m'a souvent dit que c'est ce que l'on remarque d'abord chez moi. Et le fait qu'ils sont très clairs, au point parfois de faire un peu peur... Je suis conscient aussi que mes longs cils ont quelque chose de féminin. Ces caractéristiques m'ont donné envie de photographier mes yeux. Ce qu'avait déjà fait Caroline Bach il y a quelques années, dans le cadre d'une de ses « collections ».

Je m'observe donc. Me scrute, à l'aveuglette, tenant dans la main droite mon appareil numérique. Je cadre approximativement cet oeil qui ne peut viser. Mon oeil est intériorisé ; il ne fait plus qu'un avec mon cerveau, mon intention tâtonnante, malhabile. Je déclenche plusieurs fois. Le point doit être net. Après plusieurs essais infructueux, j'obtiens enfin l'image, celle que je souhaitais. Comme le Polaroïd, l'écran LCD permet ceci de magique : la révélation immédiate de la photo.

A présent mon oeil détaille son image : une fente de chair s'ouvre sur des paupières qui enveloppent ce globe si familier et mystérieux, aux transparences et aux opacités indécises. Un oeil qui serait à lui seul un microcosme, renfermerait d'innombrables, minuscules paysages mentaux et intimes. Dans le liquide aqueux, aux micas changeants, tout deviendrait, passé par ce filtre optique, bleuté, courbe et distordu.... Est-ce ainsi que je vois le monde ?

Je suis intrigué. Pourquoi, dans ce gros plan, cet oeil qui est le mien - que je ne peux jamais voir sans l'entremise d'un miroir ou d'un appareil-photo -, me semble-t-il si proche et si lointain ? J'ai l'impression que mon oeil s'absorbe en lui-même, s'enfonce dans des profondeurs azurées et abyssales. Et, qu'en même temps, il résiste à ce mouvement, tente de maintenir les images à la surface, de refléter celles du monde extérieur.




mercredi, avril 04, 2007

Brassaï

" Pour moi, la photographie doit suggérer plutôt qu'insister ou expliquer. "
(Brassaï, cité par J-C. Gautrand dans "Conversations avec Brassaï", Photo-revue, fév. 1974)

vendredi, mars 30, 2007

Une aventure aérienne et intérieure : pourquoi collectionner une mémoire anonyme ? (14 )

Anonyme, [aviateur français], années 1920-30.
Tirage sur papier argentique chamois 6,5 x 4,3 cm.
(Coll. Yannick Vigouroux # 323)

L'aviateur est assis à une table, dans un messe d'officier. Sur les murs, l'évocation de ses exploits passés ou à venir : un avion biplan... Deux bouteilles sont posées devant lui, l'une remplie d'eau, l'autre sans doute d'alcool. Dans ces années 1920, l'aviation est une aventure des plus périlleuses. Cet homme anonyme est pour moi un «Saint-Exupéry », ou un « Petit Prince » qui serait devenu adulte. Serein, il est prêt à s'engager dans son aventure aérienne et intérieure.

Le « Petit Prince » a grandi, et désormais rien ne l'arrêtera dans sa conquête d'horizons, de territoires inexplorés.

mercredi, mars 28, 2007

Sténopés numériques (Digital Pinhole Photography)



Photos Yannick Vigouroux.
"Windows, mars 2007."
(sténopés numériques)

J'en rêvais depuis plusieurs années : faire de la photo numérique sans optique. Comme Marc Donnadieu, l'un de mes complices du collectif Foto Povera, j'avais multiplié pendant un temps les prises de vue au téléphone mobile. Il fut même question avec un éditeur d'un projet de livre sur ce que je nommais la « photomobilie artistique », telle que la pratique Marc. Mais la technologie progressant beaucoup plus vite que mes expérimentations visuelles, et dans une direction radicalement opposée (obéissant à cette sempiternelle quête de la netteté, fantasme techniciste pour lequel j'éprouve une forte défiance...). La définition des images était en effet devenue de trop grande qualité. Et moi, j'avais envie de photos fortement pixellisées!

Pour plaisanter (mais était-ce seulement une plaisanterie ?), j'ai souvent confié à mes proches que mon boîtier idéal serait une box... dotée d'un dos numérique.

Il y a quelques semaines, un capuchon en plastique de boîte de pellicule 135, percé d'un trou d'épingle, a remplacé l'optique cassée d'un compact Sony Cybershot.

Réalisées avec cet appareil-photo accidenté, mutilé de son zoom, mes premières prises de vue montrent, à travers les fenêtres, la forêt et les bâtiments du Fort de St-Cyr où je travaille. J'ai aussi réalisé un autoportrait de profil. En ce début de mois de mars, une belle lumière hivernale zébrait le gazon de fragiles et mouvants rais de lumière. Sur l'écran LCD, les images flottantes me faisaient penser à un frémissement coloré, une effervescence d'images mentales...




mardi, mars 27, 2007

" God save the Queen ? " : Pourquoi collectionner une mémoire anonyme ? (13)


Anonyme, [Portrait de la reine d'Angleterre derrière une vitrine],
années 1950 ou 1960. Tirage argentique 6 x 5,9 cm.
(Coll. Yannick Vigouroux # 679)

Derrière la vitrine trône le portrait de la Reine d'Angleterre. Icône vénérée ou destestée, parodiée, malmenée sur les pochettes et dans les paroles des Punks, Elisabeth cohabite avec un sabre et des produits d'entretien, des cartons contenant du mastic... Des marques qui semblent bien françaises... Il semble bien étrange, de la part d'un Français, de vouer un culte à la monarque britanique ? A moins que, proto-punk (il semble que ce cliché anonyme ait été pris dans les années 1950 ou 1960, donc avant l'explosion punk des années 1970), la mise en scène ne soit ironique ? Quelle qu'ait été la motivation du possessseur du portrait et de ce qui semble être une boutique en travaux ((peut-être est-ce celle d'un un brocanteur ?), et celle de la personne qui prit la photo, j'aime ce mélange de prosaïque et de sacralisation, cette cohabitation improbale d'ordinaire et d'insolite, qui rendent ce cliché a priori banal si mystérieux.

L'oeil prophylactique


Photo Yannick Vigouroux,
"Caen, mars 2003."
De la série "Littoralités"

Rue Fresnel à Caen, je me dirige vers le port industriel, cette presqu'île en friche boudée par les touristes. Je me retourne et le bâtiment « surgit », un ancien café qui n'est plus qu'un parallélépipède massif et maladroit, mal assuré sur ses fondations, étrangement bancal. Il ressemble à un bloc de pierres tordu, menaçant de s'effondrer, vestige d'un passé ouvrier révolu. J'ai moi-même travaillé ici, aux Combustibles de Normandie, en tant qu'aide-chaudronnier (le premier métier de mon père fut la chaudronnerie) au début et au milieu des années 1990...

Je viens seulement, plusieurs années après la prise de vue, de découvrir l'oeil prophylactique du graffiti qui orne la porte obstruée. J'ai l'impression que ce n'est plus moi qui regarde la bâtisse, mais que c'est désormais elle qui m'observe, avec, j'ose espérer, bienveillance ?...




lundi, mars 26, 2007

Nue et bottée

Photo Yannick Vigouroux.
"Nu # 1, 2001." De la série "Fragments d'intimité".


Utilisant pour la première fois l'Exakta (un appareil qui était fabriqué en Allemagne de l'Est après la Seconde Guerre mondiale) qu'Anne-Marie venait de m'offrir, j'ai volontairement opté pour une mise au point qui n'en serait pas une... un flou qui brouillerait toute l'image. Comment renouveler le genre canonique du "nu" ?... Je voulais obtenir une image trouble et troublante, une sorte d' image mentale de mon fétichisme : un spectre sensuel qui ne porterait que des bottes.

mardi, mars 20, 2007

L'enfant-papillon

Photo Yannick Vigouroux.
« [L'enfant-papillon],
Var, juillet 2006. »
De la série « Littoralités ».

La petite fille avait remarqué que je la photographiais avec ma box. Ce qui ne semblait pas la déranger, au contraire... Lancée dans une discussion animée avec sa soeur ou une copine, elle souleva soudain sa serviette de plage : la lumière de fin d'après-midi qui éclairait le tissu mouillé lui donna un aspect diaphane qui me fit penser à des ailes d'insecte. J'avais l'impression d'avoir devant moi un "enfant-papillon" libéré de sa chrysalide, prêt à l'envol, à toutes les métamorphoses imaginaires de l'enfance.

lundi, mars 19, 2007

"Lisez la bible"


Photo Yannick Vigouroux. "Diane Bonnot, 2001".

Je n'avais pas remarqué ce détail en déclenchant, mais, prosélytisme involontaire, tel un message subliminal, il est écrit "Lisez la bible" sur l'un des collages du paravent, à côté du visage de Diane...

Quelque chose de simple et de fluide

Photo Yannick Vigouroux. "Paris, 17 mars 2007."
De la série "Underground".

Quelque chose de simple et de fluide : c'est de cela dont je rêvais adolescent, et ce vers quoi je tends depuis lorsque j'écris.

vendredi, mars 16, 2007

"Pourquoi collectionner une mémoire anonyme ? " (12)

Anonyme, « Françoise et Dicken en 1931. Geneviève à 4 mois »,
tirage argentique 6,9 x 11,3 cm. (Coll. Yannick Vigouroux # 434)

Le chien Dicken n'est qu'une minuscule boule sombre, une ombre velue dont on ne perçoit que les yeux et la langue. Comme Françoise, il fixe le photographe. La scène a sans doute lieu près d'une haie, au fond d'un jardin. De Geneviève, dont la légende inscrite au crayon au dos du tirage dit qu'elle « 4 mois », on ne voit rien hormis le landau !... J'aime l'expression de la petite fille surprise avec son arrosoir, sans doute intriguée par l'appareil-photo tenu par son père ou sa mère, si minuscule et vulnérable dans ce monde d'adulte où l'on cadre de si haut. Elle semble malgré tout protégée, comme sa petite soeur l'est par la landau, par ce jardin obscur, rassurant et enveloppant. Le chien monte la garde, comme souvent...



"Le cadre dans le cadre"

Photo Yannick Vigouroux. « Lisboa, sept. 1998. »
De la série « Littoralités ».

En prenant cette photo, j'ai pensé à une photo de Bernard Plossu (« Marseille, 1975 » : on y voit un bateau dans l'encadrement d'une fenêtre, le cadrage est en revanche vertical), qui elle-même me semble-t-il, est très inspirée de fenêtres peintes par Matisse ; j'ai aussi songé à Luigi Ghirri (« Marina di Ravenna, 1986 » : sur cette plage italienne, la structure en bois, ressemblant à un but de foot, redouble le rectangle horizontal de l'image). J'ai attendu que le « nez », la proue du navire « touche » le pilier métallique pour déclencher...

"Le chat qui venait du ciel" (Hiraide Takashi)







Photos Yannick Vigouroux. "Spinoza, 15 mars 2007."

"Aux dires d'un photographe de profession, les amoureux des chats considèrent tous que leur animal est la merveille des merveilles. Comme si leur regard s'était fermé aux autres chats, précise-t-elle. Elle aussi adore les chats, mais comme elle a conscience de ce travers, elle ne prend en photo que les chats que personne n'aime, les chats errants sans beauté."
(Hiraide Takashi, Le Chat qui venait du ciel, 2001)

Pour ma part j'aime tous les chats... mais surtout le mien, ou plutôt celui à qui j'appartiens - je ne déroge donc pas à la règle et l'assume complètement !...