lundi, juin 15, 2009

Au coeur des pixels révélateurs ? (à propos de ma nouvelle série photophonique « Atomized Fragments »)


Photos Yannick Vigouroux,
« Atomized Fragments, Paris, 2009 »
(Photophonie)




J'éprouve depuis longtemps une grande fascination, pour les photos « atomisées » (pour reprendre l'expression d'Henri Van Lier), leur grain argentique prononcé à l'extrême, éclaté, de Mario Giacomelli et Robert Frank, et depuis moins longtemps, de Daido Moriyama...

Ce n'est pas de la nostalgie (quoi que, pourquoi pas après tout ?), mais je regrette souvent ce grain ; je trouve le rendu des images numériques souvent « plat », platitude à laquelle des cinéastes (David Lynch par exemple), qui utilisent désormais des cameras vidéo très légères, tentent de palier en dupliquant leurs oeuvres sur film argentique. Ils le font aussi à des fins de conservation (on sait comment se conserve le film, et celui qui se conserve le mieux est d'ailleurs le film noir et blanc... ; pour le numérique, il demeure beaucoup d'inconnues, d'incertitudes).





Photo Yannick Vigouroux,
« Gwenaëlle Vigouroux, de la série des
Flux de conscience ["Qu'est-ce que le silence ?"], Caen, 1994 »
(Polaroïd 600 reproduit, tiré sur papier baryté et photocopié)




Depuis quelques jours je recadre directement sur mon téléphone mobile des photos de rue ou de métro. Je focalise sur des détails, des visages la plupart du temps, comme si je photographiais une deuxième fois à l'intérieur de la photo. Ce qui n'est pas la même logique qu'utiliser un logiciel de retouche tel que Photoshop car car l'on utilise le même objet et les mêmes touches qui ont servi à la prise de vue ; c'est comme si l'on avait pu autrefois appuyer une deuxième fois sur le déclencheur du boîtier argentique, et passait simultanément d'une focale 35 mm ou 50 mm à un téléobjectif.

Curieusement, en agrandissant les pixels et en dégradant le signe, malgré les plans aplatis, le risque d'écrasement de la matière, les visages semblent se réincarner.

Quelque chose de doux et de tragique se dégage souvent de ces visages, qui était invisible lorsque ceux-ci n'étaient qu'un détail infime dans le cadre... comme s'ils lâchaient enfin prise, masques se fissurant et s'animant, pour révéler des sentiments dissimulés.