vendredi, septembre 15, 2006

Le Sablier de l'espace (Merlimont)

("Littoralité", Merlimont, 2004. Photo Yannick Vigouroux)

Le Sablier de l’espace


"Tout est affaire de décor" : la station balnéaire de Merlimont est un endroit improbable qui ressemble autant à un décor de cinéma qu’à un lieu de villégiature. C’est aussi le cas de la très populaire ville de Berck voisine, à laquelle les immeubles de front de mer années cinquante bariolés, l’odeur des gaufres, la musique d’un manège à l’ancienne et les fauteuils roulants donnent une coloration encore plus mélancolique et surannée...
A marée basse, l’espace s’étire jusqu'à la crête des vagues au point de s’annuler. La plage se confond enfin avec l’implacable horizontalité de la mer, rencontre attestée par un minuscule bafouillage d’écume. Le temps ne semble avoir aucune prise sur la ville, comme s’il s’était échoué sur la plage avec les bunkers disloqués, hérités de la Seconde guerre mondiale.
Ces constructions en béton donnent justement la mesure du lent et irrévocable passage du temps. A la fois machines de visions archaïques (l’une d’elles est en effet percée sur ses deux flancs de lucarnes) évoquant une camera obscura ou une chambre photographique, et sabliers, elles sont traversées et abandonnées par le sable. Celui-ci les libère progressivement de leur gangue initiale, les fait basculer à mesure que la plage recule, grignotée par la mer. Les blockhaus enregistrent ainsi, au rythme des marées et des tempêtes, l’apparente suspension du temps qui s’écoule malgré lui, ainsi que l’étirement de l’espace qui s’effondre, repoussant les rondeurs des dunes vers l’intérieur des terres. L’espace et le temps ensablés possèdent à Merlimont une surprenante qualité de lenteur. Ici, tout semble possible à force d’être improbable.





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