mercredi, avril 27, 2011

Pourquoi collectionner une mémoire anonyme ? (26) : le hasard bienveillant



Anonyme, France, vers 1950-60
Tirage argentique original d'époque 6,4 x 9,1 cm
(Coll. Yannick Vigouroux, anc. coll. Fabien Breuvart)





Un paysage de bord de mer, montagneux, peut-être la Côte d'Azur.

Les scouts font une halte et posent en groupe, bâtonnets serrés qui s’égrènent contre ceux de la balustrade. Une forme surgie du ciel, répète encore ce motif, dentelle étrange qui évoque les bords dentelés du négatif...

Un ratage technique, qui, une fois de plus, par la magie du hasard bienveillant, transforme cette photo a priori tellement banale – et banale malgré le caractère spectaculaire du paysage pittoresque – en une « bonne photo ratée ».

jeudi, avril 14, 2011

« Les Fenêtres intérieures », carnet de voyage de Silice, 2010 (projet de publication)











Textes et photos de Jan Vigouroux
Graphisme : Rémy Weité



En juin 2010, j'ai réalisé le tour complet de la Sicile en voiture afin de photographier le littoral. Ceci est mon carnet de voyage.



dimanche, avril 10, 2011

Ma « première photo de rue » (Caen, juin 1989)




© Photo Yannick Vigouroux, « Caen, juin 1989 »




C'était il y a plus de vingt ans déjà, j'avais dix-huit ans et j'étais en première année de Lettres Modernes à l'Université de Caen. Je rentrais de de la Fac, par une belle après-midi de juin, lorsque je pris cette photo. Ma « première photo de rue », en tout cas la première assumée, revendiquée. Dans ma pratique picturale, je me sentais dans l'impasse. Très timide, je n'osais poposer des toiles à des galeristes. Techniquement, j'avais l'impression de stagner. J'ai découvert une exposition de Willy Ronis, « Mes années 1980 » qui m'a beaucoup impressionné et j'ai décidé de faire de la photo en noir et blanc avec l'Olympus OM-10 que mes parents venaient de m'offrir pour mon anniversaire, l'année précédente.

« Timidité » : j'étais incapable de photographier les gens de face, c'est pourquoi je ne photographiais les gens que de dos, ou de profil et flous, au 1/16e ou au 1/30e de s. sous un ciel souvent couvert ou pluvieux afin ne pas retenir le mouvement (j'étais fan de Francis Bacon), souvent retranché sous un porche où j'étais invisible – échappait à la pluie ! Je réalisais aussi beaucoup d'autoportraits spectraux que je présenterai avec les photos de rue floues deux ans plus tard à l'oral de l ENSP d'Arles.

Dans ses mains croisées dans le dos, l'homme tient un exemplaire du journal Libération qui évoque les événements tragique de la Place Tiananmen et permet de dater précisément la photo. Cela faisait longtemps que la silhouette tranquille et lente de cet homme m'intriguait. C'était, comme on dit, une « figure du quartier ». Sa tenue était plutôt originale, légèrement excentrique. Il aimait porter des pins, en grand nombre, et sur sa casquette, il avait accroché celui du Bicentenaire de la Révolution française. C'est la seule photographie nette que j'aie conservé de cette époque . J'aime beaucoup sa lumière, son grain prononcé. Comme beaucoup de débutants, je tirais trop dense et trop contrasté. Pourtant, aujourd'hui, je n'ai pas envie de corriger cela. Le tirage est dans son « jus ». Quelques années plus tard, je décourirai dans la bibliothèque de l'Ecole d'Arles une photo de Robert Frank réalisée dans une rue de Londres en 1951 et montrant un homme marchant sur un trottoir, pris de dos, coiffé d'un chapeau melon et tenant une canne dans ses mains croisées (http://www.new-york-art.com/old/mus-Corcoran-Robert.php). J'ignorais totalement l'existence de ce cliché en 1989. Ma « citation » n'était donc pas une vraie « citation », mais le hasard existe-t-il ? Cela m'a souvent troublé et me trouble toujours autant, ces correspondances tellement fortes et pourtant involontaires entre les images d'auteurs différents...

Pourquoi collectionner une mémoire anonyme ? (25) : visiter une exposition en famille




Anonyme, France, années 1930
Tirage argentique original d'époque 8,4 x 11,4 cm
(Coll. Yannick Vigouroux)




Un instantané banal et touchant, une scène ordinaire et tellement émouvante ; le père bienveillant fait face à l'objectif, souriant, les enfants sont fascinés par ce miroir de foire qui permet d''étonnantes distorsions et me fait tant penser aux « Distorsions » d'André Kertész (au départ un travail de commande, un portrait de Carlo Rim fut légendé « Est-ce l’homme le plus gros du monde ? » et fit la couverture de Vu le 6 août 1930). Le tirage a été recoupé, sans doute pour recentrer l'attention sur les personnes, il n'est donc pas possible de lire les lettres sur le mur, tronquées, ni d'identifier images encadrées qui sont exposées. J'aime toutefois imaginer que ce père et ses enfants visitaient, justement, une exposition du photographe hongrois.

Merci à Anne-Marie qui a trouvé et m'a offert cet instantané.




http://mucri-photographie.univ-paris1.fr/article.php?id=12