dimanche, avril 10, 2011

Ma « première photo de rue » (Caen, juin 1989)




© Photo Yannick Vigouroux, « Caen, juin 1989 »




C'était il y a plus de vingt ans déjà, j'avais dix-huit ans et j'étais en première année de Lettres Modernes à l'Université de Caen. Je rentrais de de la Fac, par une belle après-midi de juin, lorsque je pris cette photo. Ma « première photo de rue », en tout cas la première assumée, revendiquée. Dans ma pratique picturale, je me sentais dans l'impasse. Très timide, je n'osais poposer des toiles à des galeristes. Techniquement, j'avais l'impression de stagner. J'ai découvert une exposition de Willy Ronis, « Mes années 1980 » qui m'a beaucoup impressionné et j'ai décidé de faire de la photo en noir et blanc avec l'Olympus OM-10 que mes parents venaient de m'offrir pour mon anniversaire, l'année précédente.

« Timidité » : j'étais incapable de photographier les gens de face, c'est pourquoi je ne photographiais les gens que de dos, ou de profil et flous, au 1/16e ou au 1/30e de s. sous un ciel souvent couvert ou pluvieux afin ne pas retenir le mouvement (j'étais fan de Francis Bacon), souvent retranché sous un porche où j'étais invisible – échappait à la pluie ! Je réalisais aussi beaucoup d'autoportraits spectraux que je présenterai avec les photos de rue floues deux ans plus tard à l'oral de l ENSP d'Arles.

Dans ses mains croisées dans le dos, l'homme tient un exemplaire du journal Libération qui évoque les événements tragique de la Place Tiananmen et permet de dater précisément la photo. Cela faisait longtemps que la silhouette tranquille et lente de cet homme m'intriguait. C'était, comme on dit, une « figure du quartier ». Sa tenue était plutôt originale, légèrement excentrique. Il aimait porter des pins, en grand nombre, et sur sa casquette, il avait accroché celui du Bicentenaire de la Révolution française. C'est la seule photographie nette que j'aie conservé de cette époque . J'aime beaucoup sa lumière, son grain prononcé. Comme beaucoup de débutants, je tirais trop dense et trop contrasté. Pourtant, aujourd'hui, je n'ai pas envie de corriger cela. Le tirage est dans son « jus ». Quelques années plus tard, je décourirai dans la bibliothèque de l'Ecole d'Arles une photo de Robert Frank réalisée dans une rue de Londres en 1951 et montrant un homme marchant sur un trottoir, pris de dos, coiffé d'un chapeau melon et tenant une canne dans ses mains croisées (http://www.new-york-art.com/old/mus-Corcoran-Robert.php). J'ignorais totalement l'existence de ce cliché en 1989. Ma « citation » n'était donc pas une vraie « citation », mais le hasard existe-t-il ? Cela m'a souvent troublé et me trouble toujours autant, ces correspondances tellement fortes et pourtant involontaires entre les images d'auteurs différents...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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