lundi, mars 10, 2008

« Le Collectionneur de collections » (Henri Cueco)

J'ai connu quelqu'un, pour qui j'ai d'ailleurs une immense estime, qui m'a avoué de jamais rien jeter, même ses kleenex usagés...

L'on pourrait imaginer aussi des collections de chewing-gum séchés, de différents parfums et de différentes couleur, tailles, écrasés de manières différentes et collés sur ces pages, accompagnés d'une légende qui préciserait l'heure exacte et le jour où ceux-ci on était recrachés... Tout cela stockés dans une boîte, strates par strates...

Mes collections sont plus classiques : les tirages que j'échange avec des photographes contemporains, la photo de cinéma, la photographie ancienne (le plus souvent anonyme)... et je considère que chacune de mes séries photo est une manière de collection (ma récente collection de « fenêtres » ; ma collection de « jambes bottées» etc.), tout comme mes textes que je prends soin de classer par thème et chronologiquement dans des classeurs.


Anonyme, années 187-80,
tirages à l'albumine collés sur un carton format carte de visite
(coll. Yannick Vigouroux)


Plus sporadiquement... les appareils-photo amateurs ; les cartes postales anciennes, en particulier de bords de mer et celles qui sont colorisées ; les montres-bracelets (il m'arrive d'en porter une à chaque poignet) ; les pierres et bois flottés ramassés au cours de promenades ; les photos de femmes bottées (faisant de l'équitation par exemple) ; les objets représentant des vaches, chats et des tortues (depuis qu'Ulysse Guerrin m'en a offert plusieurs, je lui en offre aussi) ; les dinosaures en plastique ; les objets en plastique des Kinder-Surprise ; tout objet ou image de couleur bleue (ma couleur préférée) ; les cactus et autres cactées ; les galets en verre ; les carillons asiatiques dont j'aime tant les sonorités ; les masques et objets rituels africains ; l'art Inuit ; les soldats de plomb de la première Guerre mondiale ; les figurines et objets dérivés représentant des super-héros (Spiderman etc.) ; toutes sortes d'objets pieux de différentes religions ; les boîtes d'allumettes anciennes ; les porta-fortunas napolitains ; les objets en bakélite ; les portes plumes, stylos-plumes et coupe-papiers ; les bouteilles d'encre, même vides ; les encriers ; les couteaux anciens ; les tire-bouchons (mon préféré est le célèbre ZIG-ZAG)...

Tout cela ressemble à un « inventaire à la Prévert » et n'est probablement pas exhaustif (je dois oublier bien des objets...).

Mon ami Xavier Martel a lui longtemps collectionné les boîtes de sardines (en autres !). J'ignore si il les collectionne encore.

J'aime tellement les bottes en cuir que j'ai collectionné, ou plutôt « collecté » au fil de mes lectures, plusieurs phrases d'écrivains partageant la même propension, allant jusqu'à imaginer cette amorce de nouvelle :


« Juchée sur ses les talons hauts de ses bottes en cuir noir, dont la pression faisait légèrement craquer le parquet, assise à sa table de travail face à la fenêtre, la jeune femme nue comme un modèle à la Newton (elle n’avait pas fini de s’habiller avant de se rendre à son rendez-vous de 17h) jetait sur le papier les premières lignes d’un poème érotique (ou fallait-il dire plutôt, tout simplement, « sensuel « ?) qu’elle retranscrirait plus tard sur l’ordinateur. Elle pensait travaille la matière des mots pourtant intangibles, sculpter, façonner avec douceur et aisance leur silence, leurs sonorités émouvantes », mais ce n’était pas ce qu’elle voulait écrire exactement…; elle pensait plutôt à cet instant-là à la lumière grise et sale aujourd’hui sur Paris après la journée froide et lumineuse d’hier, bleue comme une promesse d’hiver perpétuel mais rassurant ; pas de mélancolie pourtant, elle sentait battre dans sa poitrine les pulsions caractéristiques de l’excitation naissante à chaque nouveau texte commencé. Elle reposa son stylo et rangea la feuille dans une chemise en carton ; elle allait être en retard et devait finir de s’habiller… Et parfois, il faut savoir laisser reposer les mots pour qu’ils s’imposent dans un second temps à vous avec plus de vigueur, comme l’étreinte ferme et tendre à la fois de l’amant… » (mai 2004)



Photo Yannick Vigouroux,
« Paris, février 2007 »,
de la série « Underground »
(Sony numériqu
e)


Par provocation, je prétendais au début des années 1990 collectionner les épingles à nourrice et j'avais même créé un faux tampon annonçant un salon international des collectionneurs d'épingles à nourrice tout çà fait imaginaire, se déroulant Porte de Versailles à Paris... J'en ornais les enveloppes des courriers envoyés amis. J'ai appris récemment par une archéologue, qu'en fait, l'histoire de l'épingle à nourrice existait bel et bien et était passionnante et qu'il existait réellement des collectionneurs ! Je leur présente donc mes excuses.

Mes envahissantes bibliothèques (surtout la section consacrée à la photo ! Romans, essais comme livres d'art, ceux qui sont dédicacés occupent une place à part et les genres y sont mélangés) et dévédéthèques qui remplissent mon 38 m 2 sont aussi, bien sûr, des collections...


Photo Yannick Vigouroux,
« Ma dévédéthèque [fragment], mars 2008 »
(Polaroïd numérique i733)


J'ai déjà écrit que « tout photographe est un collectionneur » et rédigé un texte sur les « collections photographiques » de Caroline Bach (Cf. http://www.averse.com/bach/index.html
). Il y a quelques années, elle a photographié l'un de mes yeux (bleu clair) en très gros plan et l'a collé sur une planche avec d'autres spécimens... Mon regard était "épinglé" parmi tant d'autres !

J'ai « collectionné » beaucoup de visages, et parfois les « flux de conscience des personnes...


Photo Yannick Vigouroux,
« Flux de conscience de Yoshiko Murakami, 1993 »
(Polaroïd 600 et texte)


Martine Hamon a bien compris cette irrépressible propension à la collection en m'offrant le livre d'Henri Cueco, dont voici l'un de mes extraits préférés :

« C'est en tant que collectionneur que j'arrive à parler de mon travail L'esprit collectionneur donne un recul propice à des jugements scientifiques que l'on peut peut tenir proches de l'objectivité.

Naturellement, je dois avouer que, du point de vue strictement commercial, il s'agit d'invendus. Les invendus sont les investissements des artistes. »

(Henri Cueco, Le Collectionneur de collections, 1995)

Comme moi, Henri Cueco considère être le principal collectionneur... de ses propres oeuvres, et réaliser un bon investissement avec les toiles invendues qu'il dissimule parfois sciemment au regard de l'acheteur pottentiel ! (ce qui, en revanche, n'est pas mon cas).

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