J'aimerais m'abandonner plus souvent à ces pensées vagabondes, dilettantes, que décrit si bien Anne-marie Garat dans Nous nous connaissons déjà (2003) :
« Le séjour provisoire donne plus d'acuité au charme provincial, aux aspects de l'architecture ou aux attitudes, et donne une aisance, une insouciance artificielles, puisque dans cette ville on ne doit rien à personne, personne ne vous attend ni ne compte sur vous, rien de ce qui s'y passe ne vous concerne, alors les pensées voyageuses, on peut dire dilettantes, et même frivoles, colorent de qualités pittoresques le moindre coin de rue ingrat, le bosselage capricieux d'un trottoir [...] »
S'égarer dans une province mentale, dans les ruelles sinueuses d'une insouciance flottante : je ressens souvent cela lorsque je voyage à l'étranger. Ce fut parfois le cas, il y a quinze jours, à Ixelles, à Bruxelles.
J'ai hélas peu voyagé ces trois dernières années. Depuis plusieurs mois, c'est le plus souvent lorsque je réalise un autoportrait que j'ai le sentiment de m'absenter du monde, d'échapper à la pesanteur de mon enveloppe corporelle. En déclenchant, je tente de m'extraire de moi-même. L'apparition de mon image est en réalité une négation de ce que je suis, une forme de disparition (certes très provisoire), impression que renforce le flou produit par le sténopé, les pixels brouillés, parasités par des taches. Ces dernières me font penser à un dépôt trouble, à la lie de mon inconscient qui remonterait à la surface de l'image. Prendre de telles photo est devenu un exutoire ; le rituel me soulage, me déculpabilise, me rends un peu plus indulgent vis-à-vis de moi-même... et des autres.
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