mardi, mars 13, 2007

"La Musique du Hasard"


Photo Yannick Vigouroux.
« Frontignan, 2003 », de la série « Littoralités ».

Trois camions forment un chapelet de notes qui s'égrènent sur la partition formée par le pont et les verticales des deux piliers de béton. « Photographier », c'est, ethymologiquement, « écrire avec la lumière ». Il s'agirait plus exactement, dans mon cas, de variations sur le thème de la « Musique du Hasard » (Cf. le titre français du roman de Paul Auster) : un hasard toutefois cohérent et structuré.

Je suis fasciné, comme d'ailleurs tant d'autres photographes contemporains, par les terrains vagues des zones industrielles. Je pense qu'il y a tout à projeter dans ce vide négligé. Le paysage incertain, irréductiblement approximatif, rebelle à notre besoin d'ancrage dans des repères antropologiques, ouvre dans ses carences mêmes, et de manière paradoxale, vers un formidable potentiel créatif.

J'avoue préférer les herbes maigres et sauvages de ces « non-lieux » aux jardins à la française qui m'ont toujours mis mal à l'aise. C'est le cas du Parc de Versailles, entre autres 

Pourquoi ce goût pour les terrains vagues ? Sans doute est-ce une réminiscence des chantiers qu'enfant, je visitais avec mon père (celui-ci travaillait et travaille toujours dans les les Travaux Publics), où j'ai réalisé mes premières photos, et la toute première à son insu. Cette photo en couleur, que j'ai récemment redécouverte, prise avec un Instamatic, montre mon père devant une haie, coupant pour ma mère un bouquet d'aubépines.
Je crois que c'est dans ces terrains vagues et bouleversés, en devenir, à l'état brut, déconstruits et en cours de reconstruction, que s'est forgé mon regard de photographe, et d'une manière plus générale ma relation au monde. Un chantier permanent qui récuse toute certitude, et, je l'espère, toute forme de dogmatisme. A moins que le doute comme méthode ne puisse devenir une forme de dogmatisme ? Restons vigilants, toujours...

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