lundi, avril 07, 2008

« Bientôt quarante ans » (extrait d'une nouvelle en cours)

Quelques lignes de ma nouvelle en cours « Bientôt quarante ans », extrait de Vers Le grand Nul part (titres provisoires dans les deux cas) :

Les petites joies dominicales de tant de couples, arrivé à l'âge de quarante ans et installé à Paris depuis vingt ans – déjà la moitié de sa vie passée ! -, ils ne l'auraient jamais connues.

Il n'y avait jamais pensé auparavant, mais alors que le soleil perçait enfin ce dimanche après-midi printanier de la chappe de plomb gris qui écrasait la ville depuis des jours, il en prit conscience comme un flash ; un jeune père venait en effet de débouler d'un immeuble, flanqué de sa fillette qui tentait de maîtriser son vélo minuscule encore équipé de roulettes, dans la contre-allée lumineuse comme le cours transparent d'une rivière en plein été.

Être célibataire n'avait jamais été un choix. Plutôt la conséquence d'une rupture avec celle qu'il pensait toujours être « la femme de sa vie ».

[...]

Et voilà qu'il allait avoir quarante ans (il éludait soigneusement le sujet avec ses amis, détestant ce genre de commémoration et probablement, à la réflexion, les commémorations en tous genres), il n'avait pas d'enfants, et n'avait jamais connu le rituel dominical du repas en couple chez les parents ou les beaux-parents. Il y pensait parfois lorsqu'il croisait de jeunes couples endimanchés transportant la boîte en carton ficelé du gâteau du dessert et un un bouquet de fleurs, se tenant la main.

Il avait souvent eu envie de les détester mais il s'était toujours révolté contre cette idée injuste.

Certes ce rituel devait souvent être ennuyeux, une visite de « complaisance » comportant ses désagréments, comme le montraient certains films français, des comédies douces-amères qu'il avait vu ces derniers années [...] Cela paraissait ennuyeux souvent, mais cette expérience de l'ennui lui manquait, finalement. Jusqu'à ce jour, il n'y avait jamais encore pensé. N' avait-il pas, dans la vie, des moments d'ennui nécessaires sinon salutaires, comme il y avait aussi de « mauvaises » mais aussi de « bonnes » fatigues ?

Lorsqu'il rentra chez lui, le ciel se couvrait, annonçant un orage imminent (cela nettoierait le ciel se dit-il, comme il fallait qu'il lave son cerveau de ces pensées), il ne trouva comme souvent aucun message sur le répondeur de son téléphone. Celui-ci, comme il s'y attendait, ne sonna pas de la soirée.

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